Application des prélèvements sociaux à l’égard des non-résidents :
La fiscalité des particuliers en France se distingue de ses voisins par un impôt sur le revenu relativement faible, surtout au niveau des premières tranches, mais surtout par la coexistence de prélèvements sociaux dont le poids n’a cessé d’augmenter.
Il s’agit en premier lieu de la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). La CSG est un impôt destiné à participer au financement de la protection sociale et la CRDS est prélevée comme son nom l’indique afin de rembourser la dette sociale française.
Ces deux contributions sociales sont prélevées sur la base de deux grandes catégories de revenus que sont :
- Les revenus d’activité et de remplacement : cela vise les salaires, les revenus des travailleurs indépendants et les pensions de retraite.
- Les revenus du patrimoine et de placement : cela englobe les revenus fonciers, les rentes viagères à titre onéreux, les revenus de capitaux mobiliers, les plus-values de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux ainsi que les produits de placement qui recouvrent notamment les produits de placement à revenu fixe (SICAV par exemple) et les plus-values immobilières.
Le taux de la CSG est de 9,2%. Celui de la CRDS de 0,5%. Des taux réduits de variant de 3,8% à 8,3% à certains revenus de remplacement.
Les revenus du patrimoine et des placements supportent par ailleurs un prélèvement de solidarité de 7,5%, soit une charge totale de 17,2%.
Du moins pour les contribuables fiscalement résidents en France.
Car l’application aux contribuables non-résidents a été largement discutée. La solution est aujourd’hui la suivante :
Il convient ici de distinguer parmi les non-résidents fiscaux entre d’une part les résidents d’un Etat membre de l’Union Européenne ou d’un Etat membre de l’Espace Économique Européen (Norvège, Islande et Liechtenstein) ainsi qu’à la Suisse et d’autre part les résidents d’un Etat tiers.
I. A l’encontre des résidents de l’Union Européenne et de l’Espace Économique Européen (Norvège, Islande et Liechtenstein) ainsi qu’à la Suisse.
A. Pas d’assujettissement à la CSG et à la CRDS
Le règlement européen du 14 juin 1971 sur « le régime de coordination entre les régimes de sécurité sociale » prévoit que les cotisations sociales sont prélevées par l’Etat d’emploi des travailleurs de l’Espace Economique Européen et seulement par lui. C’est ce qu’on appelle le principe de l’unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale. En d’autres termes, seul l’Etat d’emploi est habilité à percevoir des cotisations qui ont vocation à financier un régime de sécurité sociale.
Sur la base de ce règlement européen, l’ordonnance du 2 mai 2001 prévoit que sont soumises à la CSG et à la CRDS sur les revenus d’activité et de remplacement les personnes physiques qui remplissent deux conditions. Ces personnes doivent être à la fois :
- domiciliées en France pour l’établissement de l’impôt sur le revenu
- à la charge d’un régime obligatoire français d’assurance maladie, cela signifie qu’elles sont soumises à la législation de sécurité sociale applicable en France car exerçant une activité professionnelle en France.
Il en résulte qu’il n’y a pas d’assujettissement à la CSG ou CRDS sur les revenus d’activité ou de remplacement si la personne en cause a son domicile fiscal hors de France ou à la charge d’un régime d’assurance maladie dans un autre Etat membre de l’Espace Economique Européen.
S’agissant des revenus du capital ou du patrimoine, la CSG et CRDS frappe en principe aussi les contribuables non résidents lorsqu’ils sont imposables en France au titre de leur revenus fonciers ou de leur plus-values immobilières de source française.
Mais la Cour de Justice de l’Union Européenne a ici encore jugé que ces prélèvements sociaux entrent également dans le champ du règlement du 14 juin 1971 et sont donc également soumis au principe d’unicité de la législation sociale (Cour de Justice de l’Union Européenne, 26 février 2015, de Ruyter).
Sont donc notamment exemptés du paiement de la CSG et de la CRDS :
- les travailleurs domiciliés en France et exerçant leur activité sur le territoire d’un autre État dès lors qu’ils ne sont pas à la charge d’un régime obligatoire français d’assurance maladie ;
- les travailleurs détachés exerçant leur activité en France et soumis à la législation de sécurité sociale de leur État d’origine, c’est-à-dire celui où est établie l’entreprise ou l’organisme qui les occupe habituellement et pour le compte de laquelle ils ont été envoyés en France. Cette exemption ne vaut que pour la période de détachement ;
- les travailleurs expatriés affilés au régime d’assurance volontaire maladie et maternité et d’assurance accident du travail géré par la Caisse des Français à l’étranger (CFE) prévu aux articles L. 762-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ;
- les contribuables non-résidents imposables en France sur leurs revenus fonciers ou leurs plus-values immobilières de source française.
B. Mais un assujettissement à la contribution de solidarité
Les contribuables non-résidents fiscaux en France mais résidents au sein de l’Espace Economique Européen doivent cependant toujours s’acquitter du « prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et des produits de placement » de 7,5 % affecté au budget de l’État.
Ce prélèvement concerne les revenus immobiliers (revenus fonciers et BIC) perçus depuis le 1er janvier 2018 et les plus-values-immobilières depuis le 1er janvier 2019.
C. Contestation de prélèvements sociaux
Malgré ces principes à présent bien établis, l’administration soumet généralement l’ensemble des revenus aux prélèvements sociaux, y compris à l’encontre des contribuables non-résidents.
Si vous pensez avoir été indûment assujetti à des prélèvements sociaux autre que le prélèvement de solidarité, nous vous invitons à prendre attache avec le cabinet qui se chargera d’effectuer une réclamation auprès de l’administration fiscale afin que celle-ci vous restitue le montant des prélèvements sociaux que vous avez acquittés à tort.
Pour ce faire, il conviendra de nous transmettre :
- l’avis d’imposition qui fait état desdits prélèvements ; et
- un justificatif d’affiliation au régime de sécurité sociale d’un Etat appartenant à l’Espace Economique Européen, autre que la France.
Le délai de réclamation expire le 31 décembre de la deuxième année suivant celle le la mise en recouvrement. Ainsi, la CSG et CRDS qui aurait été appliquée à tort sur des revenus fonciers perçus en 2020, mise e n recouvrement en 2021, pourra être contestée jusqu’au 31 décembre 2023.
II. Les résidents de pays tiers sont quant à eux pleinement soumis aux prélèvements sociaux.
On a pu se demander si un contribuable établi dans un Etat tiers, non membre de l’Espace Economique Européen, et affilié dans cet Etat à un régime obligatoire de sécurité sociale pouvait obtenir lui aussi la décharge des contributions sociales auxquelles il avait été assujetti à l’occasion de revenus du patrimoine ou de placement en se prévalant du principe de libre circulation des capitaux.
La Cour de Justice de l’Union Européenne a répondu par la négative en considérant qu’il n’y avait pas de discrimination contraire au principe de libre circulation des capitaux dans la mesure où les résidents d’un Etat tiers et ceux d’un Etat membre de l’Union Européenne ne sont pas placés dans une situation comparable dès lors que seuls les résidents des Etats membres de l’Union bénéficient du principe de l’unicité de la législation en matière de sécurité sociale (Cour de Justice de l’Union Européenne, 18 janvier 2018, Jahin).
Ainsi, les résidents d’Etats tiers percevant des revenus patrimoniaux ou de placement en France sont assujettis à l’ensemble des prélèvements sociaux (CSG, CRDS et contribution de solidarité) sur ces revenus.
Pourront notamment être impactés depuis le Brexit les résidents britanniques en cas de vente de leur résidence secondaire en France.
ITRS Avocat – Septembre 2021